
Voici des passages de l'étude de Mgr de Castro Mayer sur la médiation universelle de la sainte Vierge, du 16 juillet 1978.
Elle est d'actualité de par l'approche de Noël en cette année où Rome refuse de reconnaître les titres de Marie.
Les titres qui fondent la médiation universelle
Marie est Mère de Dieu
La très sainte Vierge Marie est la Mère de Dieu. Ce dogme très doux, contenu explicitement dans les saints Évangiles, fut défini au concile d’Éphèse, le 22 juin 431, contre les égarements de Nestorius, patriarche de Constantinople, et accueilli avec une joie profonde par le peuple fidèle qui rendit un hommage triomphal aux pères du concile en accompagnant avec des flambeaux et des acclamations d’allégresse leur retour à leurs résidences.
La très sainte Vierge Marie est Mère de Dieu parce que, par sa chair virginale, elle a coopéré avec le divin Esprit-Saint à la formation de la nature humaine du Fils de Dieu ; ce qui a conduit saint Augustin à utiliser cette belle et audacieuse expression : « Caro Christi, caro Mariæ, la chair du Christ est la chair de Marie»1.
Ainsi, le Verbe de Dieu est venu au monde par Marie. Il est né de Marie, il est le vrai Fils de Marie, et comme le Verbe est Dieu, la très sainte Vierge Marie est vraiment Mère de Dieu. Saint Luc, dans la partie de son Évangile dédiée à l’enfance de Notre-Seigneur, relate le message de Dieu transmis par l’archange saint Gabriel à la très sainte Vierge Marie. Dans ce message, la maternité divine de Marie est clairement affirmée :
Voici que vous concevrez dans votre sein, dit l’archange, et vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus […]. L’Esprit-Saint descendra sur vous, c’est pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu [Lc 1, 30-35].
L’expression « sera appelé » signifie : il aura comme nom propre indiquant sa nature, car telle est la valeur des noms imposés par Dieu dans la Sainte Écriture 2.
Marie, corédemptrice
Le choix de la très sainte Vierge Marie pour être Mère de Dieu, et elle l’est réellement en tant que Mère du Fils de Dieu fait homme, a des conséquences irréfutables dans l’économie de la grâce, sur le plan de la rédemption du genre humain.
Saint Augustin observe très justement que Dieu aurait pu s’incarner sans naître d’une femme, sans le concours de la Vierge Marie. C’eût été chose très facile à sa toute-puissante majesté. De même qu’il put naître d’une femme sans le concours d’un homme, ainsi aurait-il pu se dispenser de la collaboration de
Marie 3. Si donc, il a voulu naître de Marie, c’est parce que Marie entrait dans le plan divin qui a déterminé l’incarnation du Fils de Dieu.
Le Très-Haut, en effet, ne fait rien sans raison. Infiniment sage, il ne peut agir de façon inconsidérée. Il nous revient, si nous voulons participer aux desseins divins, d’accepter le présupposé incontestable de sa miséricorde, quand il a établi que l’incarnation du Verbe se réaliserait au moyen du corps humain formé dans le sein très pur de la très sainte Vierge. Comme nous le professons dans le Credo, Jésus s’est incarné « pour nous les hommes et notre salut 4. » ; il ne nous est pas permis d’exclure la collaboration de la très sainte Vierge Marie de l’oeuvre par laquelle la bonté divine a racheté le genre humain.
D’ailleurs, la mise en relation de la maternité de Marie avec le plan de restauration du genre humain est antérieure à saint Augustin. Le Docteur de la grâce n’est qu’un maillon, sans aucun doute précieux, de la chaîne formée par la Tradition ecclésiastique qui remonte à l’époque apostolique.
En effet, dès les premiers siècles, les Pères de l’Église unissaient la très sainte Vierge Marie à son divin Fils dans la mission de restauration du genre humain.
Saint Paul déclare dans son épître aux Romains : « De même que, par la désobéissance d’un seul homme, tous ont été constitués pécheurs, de même, par l’obéissance d’un seul, tous seront constitués justes » (Rm 5, 19). Les Pères de l’Église, comme pour compléter la pensée de l’Apôtre, ajoutent à l’antithèse entre Adam et Jésus-Christ, l’opposition entre Ève et Marie. Au deuxième siècle, les annales ecclésiastiques enregistrent le témoignage de saint Justin martyr († 165), selon lequel l’obéissance de Marie annula la désobéissance d’Ève :
Ève vierge et sans tache, ayant accueilli la parole du serpent, engendra la désobéissance et la mort ; mais Marie, acquiesçant à la parole de l’Ange […] engendra celui qui a vaincu le serpent et ses suppôts, anges et hommes 5.
De manière plus explicite, saint Irénée († 202), évêque de Lyon en ce même deuxième siècle, atteste :
Comme Ève, vierge, par sa désobéissance, est devenue cause de mort pour elle-même et pour tout le genre humain, ainsi, Marie, par son obéissance, est devenue pour elle-même et tout le genre humain cause de salut. […]. Ainsi la chaîne de désobéissance d’Ève a été dissoute par l’obéissance de Marie. […]. De même que le genre humain fut soumis à la mort par une vierge, de même il fut sauvé par Marie 6.
Tertullien, en Afrique, à la fin du deuxième siècle et au commencement du troisième, développe la même pensée : « Ève crut au serpent, Marie en Gabriel ; la faute commise par l’incrédulité de l’une, l’autre l’effaça par sa foi 7.. » Au fur et à mesure que nous avançons dans l’histoire, se perpétue dans l’enseignement ecclésiastique la même conception de l’économie de la grâce qui fait de Marie la restauratrice du malheur causé par Ève 8.
L’antithèse, en effet, entre Ève, cause de notre ruine, et Marie, cause de notre vie, est l’idée commune utilisée par la Tradition pour mettre en relief auprès des fidèles la mission particulière de la très sainte Vierge Marie dans l’oeuvre de la rédemption du genre humain.
1 Saint AUGUSTIN, Sermon sur l’assomption de la bienheureuse Vierge Marie. — BOSSUET fait écho à saint Augustin dans son Deuxième sermon du vendredi de la première semaine de la Passion : « Sa chair [du Christ] est votre chair, ô Marie, son sang est votre sang. » OEuvres complètes publiées par F. Lachat, Paris, Vivès, 1862, p. 538. ↩
2 Voir Gn 17, 5 ; 32, 28 ; Mt 16, 18. ↩
3 Sermon 51, ch. II, n. III, PL 38, 334. ↩
4 Symbole de Nicée-Constantinople. ↩
5 « Eva enim cum virgo esset et incorrupta, sermone serpentis concepto, inobedientiam et mortem peperit. Maria autem Virgo, […] nuntianti angelo Gabrieli laetum nuntium, […] ex hac genitus est, […] per quem Deus serpentem, eique assimilatos angelos et homines profligat. » saint JUSTIN, Dialogue avec Tryphon, n. 100, PG 6, 712. ↩
6 Sicut Eva « inobediens facta, et sibi, et universo generi humano causa facta est mortis : sic et Maria habens praedestinatum virum, et tamen virgo, obediens, et sibi, et universo generi humano causa facta est salutis. […] Sic autem et Evæ inobedientiæ nodus solutionem accepti per obedientiam Mariæ. » Adversus Hæreses, l. III, ch. XXII, PG 7, 959. — Nous n’avons pas retrouvé le lieu du troisième passage cité par l’auteur. (NDLR.) ↩
7 « Crediderat Eva serpenti : credidit Maria Gabrieli. Quod illa credendo deliquit, hæc credendo delevit. » TERTULLIEN, De Carne Christi, ch. XVII, PL 2, 782. ↩
8 Voir saint Cyrille de Jérusalem, saint Jérôme, saint Éphrem, saint Augustin et d’autres encore, comme on peut le lire dans Jean-Baptiste TERRIEN, Mère de Dieu, Mère des hommes, Paris, Lethielleux, 1902, p. II, l. I, ch. I. ↩